Le mouvement du logiciel libre est un mouvement politique et social dont la démarche vise à proposer des logiciels exempts de secret industriel, sur lesquels la libre circulation du code source est garantie.

Hello,

Il y a peu encore, je me disais “apolitique” (indifférent à la politique, qui se situe en dehors de la politique), non pas par absence de valeur ou d’opinions politiques, mais par dégoût et lassitude du cirque de cette classe sociale dominante, enfermée dans leur bulle dorée. Ce n’est pas forcément évident à voir, mais c’est parallèlement à mon entrée dans le monde du libre (mais pas que), que je me suis politisé. Cette année, je vais voter pour la première fois aux élections présidentielles et j’aimerais vous expliquer pourquoi je pense que cela est important.

Mes réflexions n’engagent ici que moi, mes propos ne sont pas exhaustifs, et je ne me prétends pas sans erreurs. Mon discours n’a pas pour vocation de vous apprendre quelque chose, ni d’être moralisateur d’aucune façon. Il n’est que le résultat de la constatation d’une certaine volonté d’abstentionnisme parmis les milieux que je fréquente, d’une crainte sincère pour le futur, et d’une volonté de participer à ce que ce futur soit plus juste.

Rappel

Ce journal se voulant d’être partageable dans tout milieu, je souhaite rappeler, ce que sont l’open source et le logiciel libre.

Un logiciel libre est un logiciel dont l’utilisation, l’étude, la modification et la duplication par autrui en vue de sa diffusion sont permises, techniquement et juridiquement, ceci afin de garantir certaines libertés induites, dont le contrôle du programme par l’utilisateur et la possibilité de partage entre individus.

La désignation open source, ou code source ouvert, s’applique aux logiciels (et s’étend maintenant aux œuvres de l’esprit) dont la licence respecte des critères précisément établis par l’Open Source Initiative, c’est-à-dire les possibilités de libre redistribution, d’accès au code source et de création de travaux dérivés. Mis à la disposition du grand public, ce code source est généralement le résultat d’une collaboration entre programmeurs.

La différence n’est pas forcément évidente, il s’agit de deux idées proches l’une de l’autre. Selon Richard STALLMAN, initiateur du mouvement du logiciel libre, la différence fondamentale entre les deux concepts réside dans leur philosophie : L’open source est une méthodologie de développement ; le logiciel libre est un mouvement de société.

Même si ces deux sujets sont distincts, ils restent liés, je n’ai pour ma part pas encore rencontré quelqu’un se disant pour l’open source qui ne soit pas également défenseur du logiciel libre. Il s’agit pour moi de deux ingrédients du même plat.

Un mouvement politique

Le mouvement du logiciel libre est souvent qualifié d’anarchiste. En effet, par son attachement aux libertés individuelles et collectives, par la pratique de la coopération et par le rejet de la propriété privée capitaliste, ses principes rejoignent ceux du mouvement libertaire.

Les individus et communautés participant de près où de loin au libre le font, je pense, parce qu’ils partagent des valeurs (je n’inclus pas ceux pour qui, l’open-source est simplement synonyme de freeware).

Si aujourd’hui j’utilise des logiciels libres, c’est parce que j’ai une relative certitude sur l’absence de comportement secret/caché qui pourrait me déplaire. Je sais que quand j’utilise Framadate, le service a pour but d’être utile au plus grand monde sans que celui-ci récolte des données sur ma personne a mon insu pour en retirer un pécule. Je sais que lorsque j’installe LineageOS sur mon téléphone de 2014, c’est pour prolonger son utilisation et réduire ma quantité de déchets électroniques. Je sais que quand j’installe KDE Neon sur mon laptop de 2015, c’est pour avoir un OS qui fonctionne et qui ne passe pas son temps à bouffer mon CPU ou à collecter des données sur moi pour les transmettre à une entreprise qui en fera je ne sais quoi. Je sais qu’utiliser Protonmail me permet de garder le contrôle sur ma vie privée en évitant que n’importe quel employé n’accède à mes mails. Je sais qu’utiliser PeerTube et FreeTube me permet d’éviter les limitations/censures/récoltes de données de leur cousin de chez Alphabet. Je pourrais continuer ainsi longtemps.

Ceci pourrait être débattu indéfiniment, mais de MON expérience, le monde du libre offre de nombreuses opportunités : contourner l’obsolescence programmée où la censure, redonner de l’autonomie/indépendance technologique, responsabiliser ses usagers, garantir un certain niveau de confidentialité et de sécurité par exemple, mais pas seulement. Il permet aussi à certains de trouver un business model les rendant autonome financièrement, offrir de la transparence afin d’inspirer la confiance, faire progresser les sciences, et créer tant de choses (plus ou moins) utiles.

Si aujourd’hui j’utilise des logiciels libres, c’est en majeure partie pour tout ça : cette éthique, ce concept de partage, cette déontologie du respect de l’usager; ces valeurs SOCIALES.

J’ai cité Richard STALLMAN plus tôt, notons également qu’il a été conduit vers la sortie lorsqu’il était en poste du MIT et FSF en 2019. Suite à la publication d’une compilation d’accusations contre lui, ainsi qu’une série d’écrits et de commentaires de sa main sur le viol et la pédo-pornographie. S’en est suivi plusieurs épisodes de backclash et de cancels contre lui. Il a cependant retrouvé son poste au FSF en 2021, mais de nombreuses organisations du monde libre (FSFE, KDE, Debian, Red Hat…) ont coupé les ponts avec la FSF suite à cette décision. Cette histoire est intéressante car elle montre que lorsqu’un partisan du monde libre sort de ces valeurs, d’autres réagissent. De nombreuses personnes et organisations ont pesé pour faire changer les choses.

Ce sont majoritairement des mouvements de gauche qui ont fait évoluer nos droits et acquis sociaux ces dernières décennies : la semaine des 35 heures, les congés payés, la sécurité sociale, le droit de vote des femmes, le droit a l’avortement, l’interdiction du travail des enfants, les syndicats, les retraites, le SMIC, le mariage pour tous, et idem on pourrait continuer longtemps. Il me semble alors facile de considérer les valeurs promulguées par le monde du libre comme étant de gauche.

Conclusion

Ce que je veux partager et rappeler ici est que si vous partagez les valeurs du logiciel libre, alors je pense que vous partagez certaines valeurs sociales.

Les droits et les valeurs qui leur correspondent, il a fallu se battre pour les obtenir. Faire des grèves, des manifestations, de la violence. Les manifestations pacifistes sont satisfaisantes pour ceux-du-dessus. Ils n’ont peur que lorsqu’ils perdent le contrôle, les gilets jaunes l’ont bien montré.

L’Histoire a prouvé que rien n’est jamais définitivement acquis. Que ce qui a été gagné, peut-être perdu. Depuis que les gouvernements de droite se succèdent en France (oui, je n’appelle pas Hollande un homme de gauche au vu de son bilan), on observe le recul de ces droits, de ces libertés, de ces valeurs.

Je pense que notre système est très imparfait, mais qu’il ne faut pas délaisser sa politique. Cela revient à laisser à d’autres le soin de décider pour nous. Et cette classe qui se maintient au pouvoir ne veut pas protéger nos droits et nos valeurs sociales. Notre système dispose d’un moyen législatif important : le VOTE. En France, le taux d’abstention est incroyablement haut mais ce n’est pas irrémédiable. Car si la démocratie nous octroie des droits, elle demande de nous le devoir de protéger ces droits. Voter ne s’avère pas magique et il est vrai qu’il semble difficile de constater l’impact de notre vote individuel. Mais cela reste un des rares leviers législatifs accessible au plus grand nombre. Un levier dont l’objectif pourrait, s’il est partagé par la plupart de la population, permettre de faire évoluer les choses dans une direction, ou au moins éviter qu’elles empirent.

Il est facile de penser que “cela ne sert à rien à de voter”. Mais dans l’éventualité où les 22% d’abstentionnistes du premier tour de 2017 (sans même inclure les votes blancs, ni les millions de non-inscrits sur les listes électorales), avaient voté Philippe Poutou (exemple volontairement pris pour ses différences avec la fange politique classique), ou à gauche d’une autre façon (parce que je ne pense pas que ces désabusés aient la droite dirigeante dans leur cœur), que ce serait-il passé pour les habitants de ce pays lors des cinq années suivantes ?

Ne serait-il pas mieux si nos votes pouvaient faire pencher la balance d’un meilleur côté ? Peut-être que voter n’amènera pas le candidat que vous souhaitez, mais peut-être que cela évitera l’arrivée au pouvoir d’un candidat que vous ne souhaitez surtout pas. Dans le cas où 70% de votes partaient dans les partis de gauche, probablement que le résultat final ne conviendrait pas à tous, mais cela ne semblerait-il pas déjà plus intéressant que 70% de votes à droite faute d’abstention/votes blancs/absence d’inscrits ? Aux urnes, citoyens!

Votez pour défendre les libertés. Toutes les libertés. Pour défendre votre droit à la vie privée. Pour une justice sociale. Pour lutter contre le capitalisme destructeur. Pour l’égalité homme/femme. Pour lutter contre la destruction de l’environnement. Votez pour un monde meilleur.

Si vous avez lu jusqu’au bout, merci pour votre temps.